Restaurant du dimanche - Chut!
Nous avions découvert la terrasse du chut lors d'une balade en faisant quelques détours avant d’aller au cinéma ; au bord de l'Ill, c'était le début de soirée, la fin de l'été se prolongeait et c'était sans doute les derniers soirs où les gourmands pouvaient profiter des terrasses des restaurants strasbourgeois. Tout de suite on avait eu un coup de cœur pour cette terrasse à la fois chic et conviviale, joliment aménagée sur cette minuscule place pavée, à l’abri des regards et des passants, un point de rencontre entre quelques ruelles peu fréquentées et inconnues des non-initiés... À quelques pas des ponts couverts, des allers et venus de touristes et de bateaux mouche, dans la Petite France, il faut le savoir ou bien le chercher pour découvrir ce restaurant et sa terrasse au charme fou. On regarde la carte, elle semble assez tentante, par contre impossible d'entr'apercevoir la moindre enseigne ou le nom de ce restaurant. Ni de ce côté-là, ni de l’autre côté de la façade. Etrange. En un coup de fil, je me renseigne auprès de mon père, ce restaurant c'est "Chut", le nouvel hôtel - restaurant ouvert par Mojgan Henriet qui avait lancé, à l'époque, le Cornichon Masqué... Maintenant qu'il me dit ça, je me souviens que mes parents m'en avaient parlé, il y a quelques mois, quand ils y étaient allé...
Le Cornichon Masqué (j’ai toujours trouvé ce nom génial !) avait rapidement séduit le Strasbourg branché à la fois par sa localisation sur la place la plus hype de la ville et par des plats originaux... On peut donc parier que Mojgan a été suivi par ses fans jusqu'à l'autre bout de Strasbourg quand elle a ouvert le Chut...
Pas d’enseigne, pas de menu à l’extérieur lorsque le restaurant n'est pas ouvert... le pari peut sembler osé mais je pense que petit à petit la mayonnaise a pris, le bouche à oreille à fait son travail; pour preuve, j'en entends quand même de plus en plus parler (mais en même temps quand je suis passée devant la dernière fois il y avait une ardoise indiquant « Hôtel Chut » à l’entrée…).
Après être tombée sous le charme de cette terrasse, je n'ai eu de cesse avant d'aller manger chez Chut, mais la météo locale aidant, ce fut en intérieur, à une saison où les terrasses désertent Strasbourg. Quand on rentre au 4 rue du bain aux plantes (j'ai toujours beaucoup aimé la poésie des noms des rues strasbourgeoises... sans forcément toujours comprendre le pourquoi de certains noms pour le moins exotiques...) on entre dans la seconde terrasse du restaurant, encore plus intimiste: le patio tout de plantes vertes vêtu... décidément le cadre est charmant... surtout en période estivale. L'intérieur me séduit moins par un aspect un peu bordélique. C'est comme ça les vieilles maisons alsaciennes: c'est un poil alambiqué, alors il faut faire avec. On est installé dans une salle, la salle principale, oh, elle n'est pas très grande, disons entre 15 et 20 couverts. On pourrait dire qu'elle est ouverte sur la (petite) cuisine mais ce serait mentir, disons juste qu'il y a un passe-plats qui donne sur la salle, on devine et entrevoit le cuistot derrière la lucarne mais ce n'est pas à proprement dit une cuisine ouverte. Cependant voilà, premier problème: les odeurs. Même si ce n'est qu'un passe-plats, c'est quand même une ouverture entre salle et cuisine, et force est de constater que les odeurs de la cuisine refluent vers la salle... ce qui peut peut-être vous mettre en appétit en début de repas va vite se transformer en un truc pas forcément super agréable quand vous êtes au dessert et que la cuisine est encore au poisson. You know what I mean.
Mais n'allons pas plus vite que la musique. Mojgan Henriet est architecte (et elle réussi à mener de front ses deux carrières... chapeau bas), elle a chiné au fil des années tout le mobilier de l'hôtel et du restaurant... associant de l'ancien et du contemporain. D'ailleurs cet hôtel-restaurant a la particularité qu'une bonne partie de son mobilier soit à vendre... mais encore une fois, encore faut il le savoir... Sachez donc que si vous, vous craquez pour ce vaisselier au milieu de la salle vous pourrez peut être repartir avec. Mais je dois vous avouez que moi, j'ai pas trop aimé ce vaisselier, il m'a un peu chagriné... Je dois être vieux jeu mais j'estime que c'est pas forcément extra de sortir et ranger la vaisselle devant les clients qui découvrent la carte ou plantent leur fourchette dans le plat du jour. Mais surtout, pour moi il ne collait pas avec le reste de la salle à l'atmosphère chic, sobre et cosy: de belles nappes anciennes aux couleurs clairs, des bougeoirs savamment choisis et orchestrés, une salle fleurie... C'est calme et agréable. Oui, calme; c'est pas la PMG.
La deuxième salle est peut-être moins agréable mais sans aucun doute la plus incongrue et originale. Elle est tout simplement aménagée dans l'ancien garage de la maison, à l'opposé de la salle principale; une sorte de grand hublot dans la porte du garage vous permet de guetter les allers et venues des quelques passants qui s'aventurent en ce bout de Petite France. Et le clou du spectacle? À la bonne saison, Mojgan ouvre la porte du garage et vous voilà entrain de dîner dans une terrasse couverte... Décidément cette femme est pleine de bonnes idées... Et décidément ce restaurant et un appel au retour des beaux jours... Cette seconde salle accessoire ne m'enchante pas totalement, je la trouve moins cosy de par des vas et viens pas forcément romantiques: on y trouve la machine à café et d'autres détails me font penser que cette pièce n'était à l'origine pas forcément destinée à accueillir les clients, mais elle doit être ouverte quand il y a un peu plus d'affluence.
Et la cuisine? Et ben là c'est patatra. J'ai pas franchement accroché. La carte manquait d'originalité, de truc en plus qui fait frétiller les papilles. Et manque de pot dans l'assiette c'était pareil. C'est une cuisine du marché qui s'articule essentiellement autour des produits proposés par les maraîchers, la carte change donc très souvent... Elle est brève mais le choix reste très correcte: plus ou moins 4 entrées, 4 poissons, 4 viandes et 6 desserts au choix. Une carte un peu trop classique comparé à ce lieu atypique. C'était en septembre, on y lisait au rayon des entrées "Duo de rillettes de poissons et haddock mariné", "Salade de roquette aux queues d'écrevisses" ou "Poulet mariné, gésiers de volaille". Au rayon des plats: "Carrelet meunière, roquette et vinaigrette de poireau", "Gambas grillés au pesto", "Noix de St Jacques à la noix de coco, duo de lentilles" "Curry d'agneau", "Entrecôte grillé, poêlée de légumes", "Poussin grillé aux agrumes".
J'avais opté pour le "Pluma Ibérique, ragoût de pois chiche"
Si la viande était délicieuse le reste était moyen : moi qui aime beaucoup les pois chiche, j’en ai laissé une bonne partie ; il y avait aussi des haricots beurre trop cuits qui partaient en lambeaux…
Côté dessert c'est la Berezina. Mousse de mascarpone aux framboises, pêches au sirop, soupe de fruits rouges, crème caramel: ça reste du classique de chez classique. Où est l'insolite, le peps, la créativité? Bon, vous me direz, tant que c’est bon… J'ai opté pour la tarte au quetsches... et figurez vous qu'elle n'étaient pas vraiment bonne, la poudre de noisettes sur le fond de tarte lui donnait une texture granuleuse que je n'ai pas trop aimé. Dommage.
Mojgan cuisine, prend la relève du chef quand il est absent, met son grain de sel dans l'élaboration de la carte... Et bien personnellement j'ai avis qu'elle devrait l'y mettre un peu plus souvent, on retrouverait ainsi peut être une cuisine un peu plus singulière, un peu plus à son image et à l'image du lieu qu'elle a créé.
A noter aussi une absence de carte des vins qui peut déranger certains. (On vous proposera des vins mais sans forcément préciser leurs prix...)
Et si le chut était surtout un hôtel? Quand on monte à l'étage, on change d'atmosphère, on sent bien qu'on est toujours dans la même maison, mais ici on est moins dans l'ambiance chaleureuse de la salle à manger, c'est plus moderne, plus clair et lumineux: les boiseries, le sol et les poutres ont été restaurés et repeints dans des tons clairs. Tout est clair,
épuré. C'est apaisant. Moijgan a dû entièrement rénover ces deux
maisons mitoyennes pour y aménager cet hôtel d'un genre très
particulier. Huit chambres toutes plus charmantes les unes que les autres... et un petit salon dont tout le monde peut profiter et où certains antiquaires (et artistes?) exposent quelques pièces à vendre - "exposition" qui passe inaperçue tant les pièces s'intègrent dans le cadre de l'hôtel. Les chambres sont plus ou moins grandes, les draps sont en coton et en lin et dans chaque chambre des détails qui n'en sont pas (ces anciennes parois vitrées colorées issues d'une vieille cage d'escalier qui ont été montées sur rails, elles coulissent ainsi pour séparer la chambre de la salles de bains) nous rappelle que Mojgan est architecte et que ce lieu est à son image: inventif et dans son époque. Les objets sont plus contemporains, mais on retrouve toujours ce mélange des genres et des époques.
Du luxe certes mais pas du design bling bling, ici c'est intimiste, convivial.
Le chut se voudrait peut-être chambre d'hôte, mais je le trouve trop chic pour ça, il vise une clientèle bien trop haut de gamme pour prétendre au statut de chambre d'hôte me semble-t-il... maintenant, et si la solution en cuisine n'était pas celle d'une table d'hôte plutôt que celle d'un restaurant...?
Pour conclure ce billet bien trop long, chut est sans hésiter l'hôtel parfait pour un séjour en amoureux à Strasbourg; quant au restaurant, oubliez le l'hiver mais courrez profiter des terrasses dès le printemps!
Chut
4, Rue Bain aux Plantes
67000 Strasbourg
03 88 32 05 06
http://www.hote-strasbourg.fr/index.html
Prix moyens:
13€ les entrées
20€ les poissons
19€ les viandes
7€ les desserts
Chambres de 105 à 190€ la nuit
Suite à 230€ la nuit