L’atelier de Jean Luc Rabanel, souvenirs de vacances
Dans cette ruelle du centre ville arlésien il y a une petite terrasse devant le restaurant. À l’intérieur, la salle est toute en longueur, sobre, moderne, minimaliste, axée sur trois couleurs : rouge, blanc et noir. Peu de tables au final, une douzaine sans doute. Et au fond de cette salle un peu comme un couloir, la cuisine que l’on entredécouvre à travers le passe plat ouvert sur ce lieu où vont et viennent les cuisiniers… Au-dessus de ce passe plat, une lumière rouge illumine les assiettes auxquelles le chef donne la touche finale…
On s’assied et l’on ne choisi rien. Ici c’est menu surprise… La seule chose que l’on choisit c’est si l’on souhaite décliner ce menu surprise en sept ou en treize plats… On n’hésite pas entre deux plats sur la carte, à la place on trépigne d’impatience à l’idée de découvrir ce défilé de petits plats…
La mise en bouche est pleine de promesse : des tempura d’asperges vertes servies avec deux sauces, l’une à base de sauce soja et de cumin, l’autre aigre-douce au gingembre et au piment d’Espelette. Les tempura sont légères en bouche, aériennes, jamais je n’en ai mangé de si bonnes… et la sauce aigre douce est magnifique, parfaitement équilibrée, elle me hante depuis, je vais tenter de refaire quelque chose du genre…
Ensuite les plats commencent à défiler, les uns après les autres… pas mal de verrines, une orgie de légumes, beaucoup de touches el buliesques… Les enchaînements sont assez rapides, c’est sans doute nécessaire quand on a tant de plats à faire défiler cependant ce rythme est peut-être parfois un poil trop soutenu et vers la fin du repas, on le vit un peu comme un marathon… Surtout que le menu surprise décliné en treize plats, ça fait quand même beaucoup (pour moi en tous cas), donc rassurez vous, si vous opter pour la déclinaison en sept plats vous sortirez repus sans problème… Les serveurs nous ramènent chaque plat et nous explique ce que c’est… l’intitulé est tout un poème… il y a tant de saveurs qu’il est parfois dure de tout retenir (je ne vous garantis donc pas à 100% les intitulés que vous allez lire un peu plus bas…)...
Pissaladière revisitée : sablé au parmesan et à l’amande amère, sardine et légumes croquants, caramel balsamique, glace aux oignons doux et cumin
Magnifique. Un des plats que j’ai préférés si ce n’est pas celui que j’ai préféré. Le sablé est délicieux entre parmesan et amande, parfaitement équilibré, les légumes croquants de son jardin et une sardine (sans doute la première fois que je mange une sardine moi qui n’en suis absolument pas fan) et cette glace au oignons doux c’est top ! À lui tout seul il vous fait comprendre que votre sorbetière est tout sauf un achat inutile. Magique !
Une émulsion pistache et caramel balsamique sur une gelée de pomelos, asperge blanche entourée de réglisse frite et dans la cuillère pistache façon chouchou. Le tout servi chaud.
Graphiquement très
réussi et gustativement ça suivait parfaitement même si le vinaigre
balsamique prenait largement le pas sur la pistache dans l’émulsion.
Non sushi. Bonite marinée garnie de radis, gelée de cumbava, cacahuète. Asperge, fleurs et feuilles de capucine. Moutarde wasabi. Servi avec un sorbet au jus de tomate et gelée de citronnelle.
Là encore le sorbet est top ! Il est servi sur un petit nid de gelée à la citronnelle qui lui fait très bien écho, en saveurs comme en texture… Cette touche de fraîcheur pleine de goût qui accompagne un non sushi de bonite qui était bon mais qui ne m’a pas transcendé… Sans doute car au final, ça faisait trop de saveurs différentes et que je ne les ai pas toutes retrouvées sur mes papilles.
Tartine pistache et sa surprise à tartiner (qui s’avéra être du foie de lapin). Shampoing balsamique. Yaourt végétal aux cébettes, haricots coco
Des croquants aux pistaches sur lesquels ont tartine une préparation au foie de lapin en se demandant si c’est vraiment du foie ou si c’est pas du tofu et des champignons ? et un shampooing au vinaigre balsamique (sur la photo) qui est marrant mais pas sensationnel. Le yaourt végétal j’ai eu un peu de mal, ça m’a un peu écœurée. Sans aucun doute le plat que j’ai le moins apprécié. Je n’ai pas non plus compris le lien entre les trois éléments qui le constituaient (la tartine, le shampoing, le yaourt…)
Artichaut violet rôti, émulsion de pata negra (on ne la sens pas), coulis à l’oignon, gressin à la tomate et pata negra, chips de pata negra
Miam miam miam. L’artichaut un peu caramélisé, le chips de pata negra, tout ça était très très bon
Saumon minute cuit au contact de l’émulsion de pomme de terre. Cacahuète, alfa-alfa, roquette, écume cacahuète & sésame
Le chef s’est rendu compte que si l’on cuit le saumon au contact de la pomme de terre ça lui confère un petit goût fumé. Et c’est vrai. Et c’est bon. Avec la cacahuète en plus c’est top ! La pomme de terre confère à ce plat un côté un peu plus rustique que les plats précédents plus sophistiqués et précieux.
Ravioli tomate farci à la tomate féta, bouillon à l’oignon et à l’orange, cerfeuil, capucine, pousses et herbes, tuile de parmesan
Top. Des raviolis avec une pâte et une farce très très tomate. Un vrai goût de tomate. Un bouillon magnifique, parfumé aux saveurs d’Asie. J’adore.
Dans la cuillère du cumbawa confit un peu sucré et une pousse de shiso pour rafraîchir. Turbot à la plancha, neige éphémère de cumbava, blettes, artichaut, bouillon (je ne me rappelle plus de son parfum : citronnelle ? wasabi ? verveine ?)
La cuillère m’a fait un peu ricaner à premier abord. Une cuillère pour « rafraîchir la bouche » je trouve ça un poil ridicule, mais ce côté gadget mis à part le contenu était étonnant et convainquant ! Le turbot était parfait mais la neige éphémère (c’est fait à l’azote ce truc ?) très éphémère, le temps que la serveuse nous explique le contenu des ramequins elle avait fondu… je n’ai donc pas pu la goûter et savoir si elle avait vraiment du goût… mais si j’ai bien compris c’est pas grave car quand le neige fond elle parfume le plat. (Là j’avoue être un poil septique n’ayant pas trop retrouvé le cumbava avec le turbot)
Jarret de veau cuit 20h à basse température, pommes de terre grenailles, tempura de sauge, petits pois, cébettes à la réglisse, ail confit, vinaigre de cacao amer
Pas de photo… J’ai zappé dans la folie de l’action ;) Là aussi un plat un peu plus terroir que les autres, la viande était parfaitement confite, c’était délicieux. Et le tempura de sauge c’était une autre des révélations de ce repas. Magique. Du parfum, du croquant, de la légèreté… encore !
Fausse bière, à l’image d’un demi : gelée de mangue, coulis et écume d’ananas
Pas trop compliqué, frais, parfumé, over fashion entre verrine, gelée et écume.
Tarte à l’orange déstructurée : gelée citron, streussel, écume de jus d’orange, non meringue
Où l’on découvre qu’entre non-suhi et non-meringue le chef aime bien les « non ». Ça ne m’a pas transcendée, c’était bon, mais je ne dois pas être un bon publique pour les verrines sucrées.
Glace anis-réglisse et gelée de romarin. Croquette au chocolat et piment, chantilly à la badiane, tuile au poivron
Délicieuse croquette assez originale, encore une fois on retrouve l’association glace & gelée qu’il semble beaucoup affectionner et qui fonctionne en effet pas mal.
Retour à l’apéritif : sphère au pastis, calisson à l’olive noir et à la ratatouille
Grandiose j’ai trouvé. Le fait de retourner à l’apéro avec pastis, olive et légumes ça m’a bluffé. L’idée est excellente. La bille, vous connaissez c’est la sphérification de El Buli, le calisson était à l’olive plutôt qu’à l’amande et servi avec des petits légumes confits sucrés. Chapeau !
Gelée de menthe, limoncello, sorbet kumquat, écume menthe et biscuit espagnol à la menthe
Frais et délicat, j’ai adoré. Tout simplement. Le biscuit espagnol n’est sans doute qu’une feuille de filo enroulée sur elle-même et c’est un délice ! À refaire chez soi… Vite !
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Au final donc, beaucoup de légumes… pour la plupart issus du jardin du chef et cultivés par ses jardiniers. Car ce restaurant ce n’est pas uniquement un chef, des cuistos et des serveurs, c’est un chef, des cuistos, des jardiniers et des serveurs. Rabanel cuisine bio avec les légumes et les herbes de son jardin mais ce qui me plait c’est que ce n’est pas précisé à chaque plat. D’ailleurs si je ne l’avais pas lu avant d’y aller, je ne l’aurai pas su car jamais le mot bio n’a été prononcé… Peut-être car il considèrent qu’on est censé savoir que c’est le premier (et seul ?) chef bio étoilé mais peut être aussi car il considère qu’il n’a pas besoin de surfer sur cette vague du bio pour connaître son succès, il cuisine bio par conviction sans avoir besoin de le clamer à tout bout de chant. Et pour moi ce genre de pratique est appréciable.
On note une lubie du vinaigre balsamique, présent dans une bonne partie des plats (parfois un peu tout much même pour une fan comme moi) et puis je me demande si je n’ai pas préféré les plats sans artifices el buliesque ? Disons que si les écumes me séduisent souvent, le shampoing et les neiges éphémères ne m’ont pas conquise.
Si côté cuisine c’est top, côté salle gros bémol à noter : la clim ! Arles est une ville facilement étouffante côté température et là au fil du repas on commençait sérieusement à avoir chaud… la climatisation n’était pas en marche… On a dû leur demander à trois reprises s’il n’y avait pas moyen de l’allumer avant qu’ils daignent le faire, soulageant ainsi toute la salle (on est passé pour les chieurs de service, mais au final tout le monde était ravi qu’elle ait été mise en marche). À ce niveau, c’est assez lamentable, la chaleur nous a un peu gâché le plaisir… Quand je vous dissez plus haut que par moment j’ai vécu le repas comme un marathon, je crois que la chaleur ambiante n’y était pas pour rien. À côté de ça les serveurs étaient un peu guindés, et par la chaleur ambiante les pauvres devaient supporter cravate et vestes…
Le menu ne change pas tous les jours, ni toutes les semaines, en fait le chef fait évoluer les plats par petites touches au fil du temps jusqu’à ce qu’il considère qu’il a atteint le top, qu’il ne peut plus faire évoluer le plat vers le haut. Là il arrête et mets à la carte un nouveau plat qu’il va à son tour modeler au fil de temps et ainsi de suite… D’un jour à l’autre les plats changent un peu en fonction des changements qu’il veut leur donner et de ce qu’il trouve dans son jardin ou au marché… [Sans vouloir être mauvaise langue, je note quand même que c’est du beau travail côté cuisine : menu unique pour toute la salle et qui évolue peu d’un jour à l’autre… ] Alors à mon avis l’idéal est d’y aller une fois pour les légumes d’été et une autre fois pour les légumes d’hiver, mais y aller plus souvent n’aurait pas vraiment plus d’intérêt. Qui plus est le chef a ses recettes fétiches qu’il décline souvent et que l’on retrouve très souvent à son menu (je m’en suis rendu compte en faisant un tour sur internet) : le sablé au parmesan, le non sushi, la pata negra, la tarte meringuée déstructurée etc… Classiques de ses menus que l’on retrouve aussi dans son livre, L’atelier du vivant (chez Actes Sud).
L’atelier de Jean Luc Rabanel
7 rue des Carmes
13200 Arles
Téléphone : 04.90.91.07.69
Fermé lundi et mardi
http://www.rabanel.com (notamment quelques photos...)
Le blog de Jean Luc Rabanel (peu intéressant, essentiellement du dossier de presse au goût d'auto-promo)
Prix :
Menu surprise (menu unique - pas de plats à la carte)
Avec 7 plats 45€
Avec 13 plats 75€ (140€ avec les vins)
Au dîner uniquement menu à 13 plats
À noter aussi : Le restaurant de Jean Luc Rabanel a maintenant deux ans et depuis 8 mois il a crée juste à côté un bistrot axé bar à vin et tapas, ouvert tous les jours toute la journée. Et tout récemment il a racheté un bâtiment afin d’agrandir la cuisine (superficie multipliée par quatre !), il a prévu notamment d’y installer une grande table de vingt mètres à la fois plan de travail pour les cuisiniers et table d’hôte pour ses clients qui pourront ainsi voire comment on travaille en cuisine… En plus il envisage de créer deux chambres d’hôte, des chambres appartement dont il remplira le garde manger avec des produits et des conseils pour les cuisiner ou simplement assaisonner et réchauffer les plats préparés à l’avance, et si ses hôtes partent en balade, il leur préparera des paniers pique nique !